mardi 9 juillet 2013

Grand Stade de Bordeaux .Un PPP à haut risque!

 premiere-pierre-grand-stade-bordeaux.JPGNous reproduisons ici l'intégralité de l'intervention de Patrick Du Fau de Lamothe, élu du "Groupe Aquitaine Ecologie et Front de Gauche" à la Région Aquitaine au sujet du Grand Stade de Bordeaux, la Region aquitaine  a  voté hier une subvention de 15 millions d'euros dans un nouveau grand projet inutile et couteux pour le contribuable, juteux pour les actionnaires!

Lorsque la politique se raménent à son contenu, de nouvelles  convergences apparaisent. seuls notre groupe et EELV ont voté contre cette gabegie annoncée.

Voici une délibération qui pèse lourd financièrement et politiquement.

 Arrêtons de jouer sur les mots : participer au financement d’un PPP, ici un contrat de partenariat c’est quoiqu’on en dise publiquement ou dans tel ou tel colloque, c’est soutenir les PPP.

 Et quel PPP en l’occurrence ! Le recours au contrat de partenariat n’est possible que lorsque les autres contrats de la commande publique ne peuvent satisfaire au besoin de la collectivité. C’est un contrat d’exception. À en croire la ville de Bordeaux « l’UEFA impose que l’équipement devant recevoir la compétition soit mis en service deux ans avant le début de la compétition… ». Il devrait donc être prêt dès mai 2014. Cette condition a permis d’éliminer la réalisation en maîtrise d’ouvrage publique : « Dans ce contexte, écrit la ville dans son évaluation préalable, « seul le recours à un schéma global paraît pouvoir répondre aux contraintes de la Ville ». Ainsi c’est sous le prétexte d’une livraison en mai 2014 que la Contrat de partenariat sera retenu. Alors pourquoi le contrat définitif fixe-t-il à avril 2015, soit un an seulement avant la tenue de l’Euro 2016, la date de remise du stade ? Mieux encore le contrat prévoit une possibilité de remise du stade jusqu’en décembre 2015, moyennant pénalités certes.

 Autre perle, tout aussi fausse, de notre partenaire à cette convention. La Ville de  Bordeaux écrit : « Les investissements publics réalisés ne seront pas considérés comme une dette publique de la collectivité contractante ». On devrait demander à la ville du Mans ce qu’elle en pense, elle qui se voit contrainte de payer le stade MMArena suite à la faillite du club occupant.

 Quinze millions d ‘euros, c’est une somme considérable. Que ne pourrons nous pas faire en donnant cette somme ? Nous aurions pu acheter 2 trains supplémentaires, des Régiolis dont nous venons de fêter le premier exemplaire en Aquitaine. Des trains disponibles 320 jours par an pendant 40 ans, nous préférons les mettre dans un stade utilisé 25 fois par an pour le football et mettons autant de fois pour d’autres manifestations, soit 50 fois par an. Alors même que chaque jour les TER amènent plus de 20 000 personnes sur Bordeaux, qui participent à son activité, générant des recettes pour la Ville, celle ci ne participe pas au financement des TER. Pourquoi financer ce stade ?pdf.jpg

Faut-il rappeler que la Coupe des confédérations qui vient de se dérouler au Brésil, pays du football s’il en est, a donné lieu à d’intenses manifestations de rue contre les investissements consentis au détriment des transports d’ailleurs ! Admirons au passage la réponse pleine de finesse du secrétaire général de la Fifa qui annonçait que son organisme installerait des écrans géants dans les « favellas » à l’occasion de la coupe du monde de football qui se tiendra l’an prochain…toujours au Brésil !

 C’est aussi une somme considérable, puisque dans le même temps où la ville de Bordeaux réclame à la Région cette subvention, la Ville exonère les Girondins de Bordeaux de la taxe sur les spectacles qui peut atteindre de 8 à 12 % des recettes guichet. Elle se prive ainsi de 1,5 à 2,5 M€ pendant 30 ans. Contrairement à la Région, la ville aura un retour, elle va percevoir des impôts et taxes foncières et professionnelles, ou ce qui en tient lieu, notamment, qu’elle reversera au partenaire privé, puisque le prix payé par la partie publique couvre les charges du partenaire privé. C’est aussi ça le miracle du PPP, avec naturellement dans ce prix la rémunération à 15 % des fonds propres apportés par le partenaire privé.

 Ce PPP n’est bien sûr pas sans risques. Mais ils sont supportés par la collectivité. On nous parle sans arrêt de la garantie donnée par M6, propriétaire des Girondins, pour les 20M€ donnés initialement et la redevance annuelle de 3,85M€. Oui, mais l’équilibre du contrat passe aussi par un versement de 4,485 M€ annuel, donc supérieur, par la société titulaire du contrat de partenariat. Ces reversements proviendraient des gains réalisés sur l’exploitation du stade hors football. Mais où sont les garanties de Fayat et Vinci maisons mères de la société Stade Bordeaux Atlantique ? Il n’y en a pas. Est-ce à dire qu’elles ne croient pas dans le succès de l’opération ?

 Finalement, il n’y a aucune bonne raison à un tel financement du sport spectacle. Cette opinion est d’ailleurs partagée par l’ancien ministre des sports de Mr. Sarkozy, David Douillet qui déclarait : « L’État n’aurait pas dû avoir besoin de contribuer pour les stades » (le monde 26 janvier 2012). Depuis 3 ans j’ai rencontré à 3 reprises le président des Girondins de Bordeaux dont je souhaitais entendre le discours. À ma question : « Qu’allez-vous faire des recettes supplémentaires ? », la réponse fut invariable : « Je paierai plus cher les joueurs ! ».

 Une délibération qui pèse lourd mais une convention particulièrement allégée…

 Il me semblait que nos concours financiers étaient soumis à des éco-conditionnalités. Je ne vois rien en ce sens dans cette convention. Sans doute que certains, parmi nous, bénéficient de places gratuites de la part des Girondins de Bordeaux. Assurément c’est une économie au moins pour eux. Mais tout aussi assurément ce n’est pas de l’économie sociale et solidaire. Pour elle nous aurions pu demander en contrepartie de notre engagement financier de faire bénéficier des aquitains de réduction sur le prix des places. Rien de tel n’est prévu. Et sur le plan environnemental, pas plus. Aujourd’hui un peu plus de 60 % des spectateurs du stade viennent en voiture. Demain selon une étude commanditée par les Girondins cette proportion atteindra 70% alors que le nombre de spectateurs aura augmenté. Cette convention n’est soumise à aucune condition, ou compensation environnementale, bien que je n’aime pas ce que revêt ce terme.

Une convention, mais deux lectures…

À la lire, nous verserions 5M€ dès le deuxième semestre 2013, autant en 2014 et 2015. Ce n’est pas l’interprétation de la Ville de Bordeaux. Qui devons nous croire ?

La Ville de Bordeaux vient d’adopter son budget supplémentaire. Aux 5 M€ inscrits dès le budget primitif, s’ajoute 10M€ au budget supplémentaire en provenance de la Région. La ville prévoit donc de percevoir l’intégralité de la subvention sur 2013. Elle a pratiqué de la même façon avec les subventions de la communauté Urbaine (15M€), celle du CNDS (28 M€).

Il nous semble nécessaire d’y voir clair. C’est pourquoi nous vous demandons de retirer cette délibération jusqu’à plus ample informé. Une autre raison milite pour ce retrait.

Un soutien financier dont la légalité n’est pas encore assuré

Notre aide entre dans la définition européenne des aides d’État. C’est ainsi que la Mme Valerie Fourneyron a indiqué, dans sa réponse ministérielle publiée le 8 janvier 2013, que : « Les subventions seront versées selon les dispositions du règlement général du CNDS après que la Commission européenne – à qui le Gouvernement doit adresser un dossier de notification – aura déclaré que ces aides ne contreviennent pas au droit européen des aides d’État ». Notons que ce contrôle n’avait pas été fait par le précédant gouvernement

 Lors du Conseil d’administration du CNDS, en date du 3 juillet dernier, donc très récemment, elle précisait : « Tous les dossiers relatifs aux stades de l’Euro 2016 sont actuellement examinés par la Commission européenne au regard du régime des aides d’État ; une décision est attendue au second semestre 2013 »

ppp.jpgCette interrogation sur la légalité de notre aide nous interdit de voter la délibération proposée. En effet, je vous rappelle que, quelque soit la réponse de Bruxelles, l’absence de notification rend automatiquement illégale les subventions versées par les collectivités locales (voir à ce sujet le mémorandum de janvier 2012 sur les aides d’État diffusé sur le site du parlement européen).

 En conséquence, nous ne saurions trop vous recommander de retirer cette délibération dans l’attente de la décision de la commission européenne. Et au delà du simple aspect de légalité, comment notre Région, dont peut-être faut-il le rappeler l’exécutif est de gauche, pourrait-elle ne pas s’inscrire dans la démarche légitime de l’État ?

Pour notre part, au cas où  vous décideriez de la maintenir, considérant que cette aide ne correspond pas aux besoins des Aquitains, nous serons fiers de voter contre cette délibération.

 Nous invitons également ceux de nos collègues qui partageraient la position de notre Groupe « Aquitaine écologie et Front de Gauche » à nous rejoindre, puisque dès demain nous entendons saisir la commission européenne de ce vote sans notification préalable.

Patrick du FAU de LAMOTHE

« Aquitaine écologie et Front de Gauche »