Les jours monotones coulent de leur innommable laideur comme la pluie ruisselle sur le parvis de la comédie. Ils s’amassent inutiles et oiseux sans jamais emplir la confiance d’une perspective. La force ne sert à rien quand le mou l’engloutit, l’orgueil n’est que le reflet de l’inutile, la fureur de ces semaines me pèse, le combat m’ennuie.
Les bras, le coude, les poignets tordus, les orteils recroquevillés, le rêveur impénitent est condamné à boire l’immensité de la mer des larmes stériles et incultes. Des larmes infécondes.
Il pleut donc, une nouvelle fois à Bordeaux.
Que nous soyons engloutis dans ce lugubre concert de ceux qui font, foudroyés net par ceux qui ont. Nous étions là, poignardés par des yeux sanguinolents rassemblés sous la pluie devant ce parvis ou fourmillent les hommes et les bêtes de la bourgeoisie bordelaise.
En bas les marches se prolongent jusqu’à la troupe, ici un camarade vient de changer de genre, je ne l’ai pas reconnu de suite, pourtant rien, absolument rien n’a changé.
Un regard, une bise, c’est comme une acceptation, un accord, une validation. Personne n’échappe à la morne symphonie du mal universel. On ne s’arrache de son humus que le jour où exhibant l’abîme de son ombre, l’autre peut enfin découvrir le ciel plein d’univers qui flamboie, là juste, au-dessus des brumes et de l’écume.
Les paroles lâchées ses derniers jours par les champions des réactions ont libéré les plus vieux tourbillons de bêtise humaine, j’entends monter de partout les hosannas obséquieux et soumis, dans la même eau crient et coulent le bruit et les mots des égorgeurs. Le Medef, les nations, les croix, la guerre, et le fumier…l’égalité se meurt...
Alors nous étions là, trois mille cinq cent, sous la pluie, unis avec les lâches heureux et les races damnées, madame le ministre, monsieur le député, nous revendiquions donc l’égalité…
Un droit civique, un droit social, l’égalité n’est pas une question pour faire genre…
Et, je vois cette marée de militants du Parti Sérieux, je ne peux m’empêcher en les voyant là, comprendre eux qui promeuvent dans leur assemblée l’égalité des chances, je les vois là, concevoir et admettre que « L’égalité des chances, c’est pour ceux qui ont de la chance. »
Avec mes camarades du Parti de Gauche, du Front de Gauche, nous étions là nombreux, comme nous étions avec les pilpa, les petroplus, les travailleurs d’Aulnay, les licenciés de Renault, les retraités désindexés… tous les qui n’ont pas de chances.
Pour l’égalité, avec ses droits pour tous et ses quatorze tranches d’impôts, son salaire maximum, et son école gratuite obligatoire et laïque… ;
La république a proclamé l’égalité, il nous reste juste à la réaliser.
Intégrer les individus dans la société, c’est leur offrir, le droit à la même aspiration, pour eux même et pour leurs enfants, cette aspiration s’appelle simplement le bien vivre !
Même si les enjeux ne sont pas les mêmes pour un smicard, un chômeur ou un prof, un étudiant, un artiste ou un punk, un avocat ou un carreleur, il s’agit d’une différence de degrés et pas de nature.
L’égalité n’est pas une question dans laquelle on peut faire genre, c’est pourquoi nous revendiquons le programme des jours heureux issu de la Résistance, avec la volonté farouche de relever le défi de l’élargissement de la protection sociale à l’ensemble de la population, d’une démocratie sociale vraiment universelle, orientée vers la réduction de l’insécurité sociale, la protection de tous face aux risques de la vie, une égalité devenue réalité par la redistribution fiscale des richesses. Et les mêmes droits pour tous ! Ce n’est quand même pas compliqué !
Juste pour l'égalité