mardi 10 décembre 2013

Un stade sans nom !

stade-mandela-copie-1.jpgUn enfant est assis tout près d’un arbre, à deux pas  d’une fontaine, il regarde l’eau couler. C’est beau l’eau qui coule. C’est aussi triste qu’un coucher de soleil. Les gens, ils aiment ça les coucher de soleil. Ils aiment le football aussi. A la fin le soleil finit toujours par se coucher, il disparait au fond de la mer ou derrière une montagne, il peut lui arriver de se finir derrière un bloc de béton… ça lui apprendra à faire le con autour des stades !

En passant par l’avenue d’Irlande, j’ai longtemps pensé que l’on ne pouvait que déboucher sur Lansdowne road, c’est faux désormais. Le stade s’appelle AVIVA, comme une assurance-vie dans un quartier où ne plane plus que les souvenirs éteints des tchacotchacs du bruits des wagons que les ouvriers des faubourgs emplissaient de leur joie dominicale en allant voir jouer l’équipe du trèfle !  

A Bordeaux, il y aura bientôt un grand stade, fait de béton et de million d’euros publics, planté au beau  milieu de rien, il sera beau comme un coucher de soleil. Il aura couté bien des millions en argent public, au moins 75 ! 

C’est ce stade qu’ils veulent nommer Nelson Mandela !

Pourquoi pas ?

C’est bien plus joli qu’Aviva, Nelson Mandela, le mieux serait même de l’appeler Madiba, car Nelson reste le nom des marchands et des colons.coucher-de-soleil.jpg

Le nom des choses est une affaire sérieuse. C’est une affaire idéologique compliquée, une affaire de symbole aussi. Le nom est la forme plurielle d’une même entité. Si on appelle une école Prévert pour honorer le nom du poète, c’est   qu’on espère dans le même temps que souffle l’esprit de la liberté  sur les maitres du lieu !

Comme il ne viendrait à personne l’idée de donner le nom Ribery à une université de lettres ou celui de Berlusconi à une institution de jeunes filles, pour que le futur grand stade inutile de Bordeaux s’appelle Neslon Mandela il faudrait que beaucoup de choses changent !

Il faudrait descendre l’avenue de la chair et du pain, cette longue rue qu’emprunteraient décontractées les familles enjouées en allant le samedi soir au match de football. En descendant à l’arrêt des cadeaux que desservirait les trams tous neufs et gratuits, elles continueraient leur marche sur l’esplanade de l’Homme libre et finiraient leur cours sur le parvis de la tête d’or, là devant le Stade Madiba, elles prendraient le temps de boire un verre de bordeaux sans même plus avoir à songer un instant à la douleur de ceux qui taillent la vigne au beau milieu de l’apartheid social de la bonne conscience bordelaise !

grand-stade.jpgAssis tout près  d’un arbre à deux pas  d’une fontaine, un enfant regarde couler ses larmes comme autant d’espoirs déçus. L’enfant n’a pas de nom, planté au milieu de ce décor sans visage, il espérait autre chose du soleil que de le voir se coucher si docilement, si tranquillement….

Entre colère et résignation, laisser couler, la tâche est sacrée, indicible en réalité, bien sûr que c’est un joli nom, pourquoi le laisser ramper, pourquoi le faire errer.

Au milieu des  vents, entre immondices et hurlements, ce monument de sable qui servira de cachette au soleil, ce monument de sable ne devrait pas avoir de nom car tout cela pourrait bien finir par s’écrouler pour de bon !

"L'hommage le plus sincère que nous pouvons rendre à Nelson Mandela est d'éviter les artifices d'une canonisation vidée de sens, portant au pinacle l'homme de la réconciliation et masquant volontairement l'homme de combat"

Pierre Laurent le 10-12-2013.