lundi 16 décembre 2013

Intervention de Gérard Boulanger sur le budget primitif 2014 Conseiller régional Front de Gauche - Parti de Gauche Séance plénière du 16 décembre 2014

boulanger.jpgMonsieur le Président,

Je le disais déjà il y a presque 4 ans, lors de la séance plénière de juin 2010, lorsque nous avions voté le budget supplémentaire, qu’il y a quand-même quelque chose de très choquant à voir cet assaut qui est fait entre la droite de cette assemblée et l’exécutif sur le thème « plus rigoureux que moi tu meurs ».

Nous sommes en désaccord et là il y a entre mon ami PDF et moi des nuances et là nous respectons notre liberté de… (brouhaha dans la salle)  nous respectons entre nous, par un accord signé il y a un an, notre liberté de parole et notre liberté de pensée respectives et il n’y a pas de caporalisme dans notre groupe.

Si vous me permettez, j’ai écouté avec beaucoup d’attention tous les membres de tous les groupes et je crois que j’ai droit à la même courtoisie républicaine.

J’avais dit en réponse à une intervention de M. Lamassoure il y a de ça quelques années que je ne comprenais pas cette obstination à parler de la crise, la crise, la crise et aujourd’hui on est dans des euphémismes qui sont encore beaucoup plus spectaculaires.

J’ai entendu de tous côtés aujourd’hui parler de « la dureté des temps », mais appelons les choses par leur nom. Nous, nous avons un désaccord de principe sur ce problème là parce qu’il ne s’agit ni de crise dans l’abstrait, ni de « dureté des temps », mais d’une crise spéculative due à la finance mondialisée dérégulée qui existe depuis 1971-73 quand les Etats-Unis ont décidé de sortir des accords de Bretton-Woods et depuis lors tous les efforts ont été faits, comme le dit un économiste que vous connaissez tous Galbraith, pour donner « un permis de dévaster à la finance internationale » et c’est ce qui se passe. Les Chicago boys ont gagné, l’école monétariste a gagné.

Bien sûr, dans les années 70, ça se passait autrement, on avait donné aux Etats-Unis la permission de renverser tous les états au sud du Rio Grande et de martyriser les peuples d’une manière extrêmement brutale et directe. On continue à le faire sous une autre forme, on continue à le faire sous la forme qui résulte de chiffres du FMI dont nous savons aujourd’hui qu’ils sont inexacts, des chercheurs américains l’ont révélé il y a quelques mois et même le FMI à l’heure actuelle dit que ces politiques d’austérité sont criminelles et qu’elles devraient s’arrêter mais nous, en France, nous continuons.

Et il y a quelque chose que je ne comprends pas, c’est que vous appeliez ça du courage, Monsieur le Président, ce n’est pas du courage, c’est de l’inconscience et nous allons tous, droit dans le mur. Alors nous sommes en désaccord sur le diagnostic et nous sommes en désaccord sur la méthode.

Le diagnostic je vais vous le donner en trois chiffres.

Les flux financiers représentent aujourd’hui 50 fois l’économie réelle, 50 fois l’économie réelle ! Il y a quarante ans c’était moins de 5 fois et évidemment c’est autant d’activités spéculatives qui sont en cours. Les places financières ont cessé d’être le lieu de financement des entreprises.

Dans les paradis fiscaux qui sont les paradis de la fraude fiscale, qui est la première industrie mondiale, transitent aujourd’hui 50% des flux financiers mondiaux et les crises bancaires qui avaient disparu après 1929 à cause de l’intuition de Keynes et de la politique courageuse du New Deal, eh bien, désormais, les crises bancaires sont de nouveau au rendez-vous parce que les bulles financières, favorisées par la politique inflationniste mise en place par les Etats-Unis ont permis l’éclosion des bulles spéculatives sur les « start-up internet » dans les années 2000 et la crise des subprimes en 2008.

Nous sommes dans les conséquences de cela et c’est d’autant plus inacceptable que depuis, comme dans un tonneau des danaïdes, nous ne faisons que financer et rembourser le service de la dette qui représente 2300 Milliards d’euros. Et plus nous sommes en train de racler les pauvres gens jusqu’à l’os plus ça ne s’arrête pas, c’est comme les Shadocks, plus ils pompaient plus il n’y avait rien.

C’est la logique de tous les gouvernements européens qui, sous la férule de fonctionnaires totalement hantés pas cette doxa ultra libérale, dont Barroso est le chef d’orchestre, voient la révolte des tous les peuples européens. Ca a commencé à Athènes, à Lisbonne, à Madrid, puis maintenant en Italie et nous voyons en France arriver les prodromes de la révolte citoyenne qui emportera cette logique absurde et inefficace.

 

Alors voilà Monsieur le Président, pourquoi nous ne pouvons pas être d’accord avec un budget qui se flatte, comme vous l’avez dit, d’accompagner le « courage » de la politique du gouvernement qui n’a pourtant rien de courageuse puisqu’elle se fait au détriment de l’ensemble des salariés de ce pays.

Car monsieur le Président voyez vous, ce n’est pas la crise pour tout le monde.

En 20 ans, les revenus du travail ont diminué dans ce pays de 10%, au profit de ceux du capital.

De la même manière, en 2012, en France, les 500 plus grandes fortunes se sont enrichies en 1 an de + de 25 %, ils ont augmenté leur capital d’un quart, en un an ! Alors ce n’est pas la crise pour tout le monde et nous n’avons pas à accompagner cette politique là !

Ce qu’il aurait fallu faire, Monsieur le Président, voyez-vous, ce qu’il aurait fallu faire c’est la guerre à la finance comme le disait celui qui n’était pas encore Président de la République au Bourget. Il ne fallait pas continuer la politique de décloisonnement des banques de dépôt et des banques d’investissement qui a été mise en place en 1984 par Delors et Fabius, quinze ans avant les Etats-Unis.

Etats unis qui n’hésitent pas à sanctionner les banques, comme dernièrement JP Morgan, ce que ce gouvernement ne fait même pas !

Voilà pourquoi nous ne sommes pas d’accord avec la méthode.

Monsieur le Président, vous dites que le budget de la culture ne diminue pas. J’en reste pour ma part à ce que constate le CESER qui indique bel et bien un tassement du budget. Ce que je sais moi, c’est que la légère augmentation du budget est faite d’autorisations de programmes en investissement qui ont été décidés en début de mandature. En ce qui concerne la partie fonctionnement et l’aide concrète aux compagnies, j’ai regardé la liste des victimes de cette politique, avec le budget tel qu’il est voté il y aura, en 2014, près de 60 compagnies du spectacle vivant sur le tapis en Aquitaine.

Qu’on ne me dise pas nous ne pouvons plus nous substituer à l’état, nous ne pouvons plus nous substituer aux départements. Parler d’aménagement du territoire au moment où disparaissent dans les villages, les commerces, les maternités, les services publiques, qu’est ce qu’il reste ? Qu’est ce qui favorise le lien social ? La citoyenneté ? C’est la culture, il ne reste que cela !

Il est absolument impossible d’accompagner cette politique de rigueur qui ne repose que sur des dogmes faux !

Je ne peux pas vous entendre parler de la « dureté des temps » comme s’il s’agissait d’un fléau naturel, la dureté des temps pour qui ?

C’est pour les peuples que les temps sont durs, c’est tous les peuples d’Europe qui sont en péril et pour des mauvaises raisons.

L’austérité relève d’une fixation idéologique, pas d’une politique efficace.

Ce matin même dans notre enceinte, les syndicats du personnel distribuaient un tract pour exiger de notre institution la mise en place d’un véritable dialogue social. Il y a un an, Monsieur le Président, dans cette même salle, je vous demandais d’instaurer au plus vite ce dialogue social. Je constate aujourd’hui que rien n’a changé.

 

Ou encore, les agents de la région ne bénéficient pas d’une loi qui a été votée à l’instigation de ce gouvernement et qui dit que le premier jour de carence n’est plus supprimé en cas d’arrêt maladie, alors que dans d’autres régions la loi antérieure voulue par la droite n’a pas été appliquée par vos collègues socialistes. Ici, c’est appliqué avec rigueur !

Pis encore, ce matin je découvre sur l’intranet de la région cette information concernant les ressources humaines. Je cite : « Pour information à partir de 2014, il ne sera plus possible de demander à récupérer le 1er mai, s’il tombe un jour de temps partiel. Le règlement du temps de travail ayant supprimé cette disposition. »

Le 1er mai !

Le 1er mai c’est le massacre de Chicago en 1886, c’est en 1888 qu’un militant syndical girondin qui s’appelle Raymond Lavigne et qui repose ici, au cimetière de la Chartreuse, en face de la région, qui a proposé à l’internationale socialiste de faire de cette date un jour chômé pour tous les travailleurs.

Et c’est nous qui allons le supprimer ?

Excusez-moi, je me tourne vers mes camarades du groupe socialiste, vous êtes d’accord avec ça ?

 Réveille-toi Jaurès, ils sont devenus fous !

Monsieur le Président, les élus Front de Gauche, Parti de Gauche, voteront contre le budget que vous nous présentez, les recettes comme les dépenses. Non pas parce nous avons un désaccord sur tel point, tel chiffre, telle ligne ou tel détail, et pourtant nous en avons, mais parce que la logique qui est suivie nous apparaît absolument insupportable.

Je vous remercie.

 

Gérard Boulanger.