dimanche 9 juin 2013

Bla-Bla et patin couffin, les legendes du COR !

 182334 457419344269281 1296858815 n (1)On nous dit

On nous assène, à longueur de déclaration, de communiqués, d’éditoriaux, de documents ou de lettres d’orientation, que le Conseil d’Orientation des retraites (COR), « organisme indépendant, qui associe notamment les partenaires sociaux ainsi que des parlementaires de la majorité comme de l’opposition, a dressé un constat sans appel » (extrait des 14 engagements). Cette insistance à rappeler la légitimité du COR pour museler les critiques et les alternatives finit par produire son contraire. Éveiller les soupçons…Le COR est-il donc aussi représentatif et indépendant que l’affirme le gouvernement ?

Regardons de plus près

Composé de 32 membres lors de sa création en 2000, le COR compte 38 représentants depuis la réforme Fillon de 2003 et le décret de mai 2004 qui l’a réorganisé.

 

Le COR est-il plus représentatif ?

Non ! bien au contraire, puisque la part de la représentation salariale est passé d’un tiers à guère plus d’un quart (10 sur 38) à l’issue de cette réforme. Ainsi a t-on institué un rapport de force défavorable aux salariés, d’autant que les représentants patronaux (2 MEDEF  et 1 CGPME), rassurés par les « garanties » offertes par la réforme Fillon de 2003, ont depuis lors daigné y siéger. Bien que nommés dans le collège des « personnalités compétentes », certains membres du COR ont eu d’importantes responsabilités au CNPF puis au MEDEF (respectivement Hadas-Lebel et Vivien). Le réalisme ne devrait-il pas nous conduire à voir dans ces deux personnages influents une sorte délégation patronale officieuse ?

Le COR est-il indépendant du gouvernement ? non ! bien au contraire, le décret de 2004 renforce sadépendance à l’égard du gouvernement par l’élargissement (de 4 à 6) du collège des personnalités nommées par le gouvernement « pour leur compétence et leur expérience ». En outre, le même décret consolide la présence de l’État dans le COR en ajoutant le délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle et le directeur de la prévision aux 4 directeurs initialement prévus (budget, sécu,  administration et conseil d’analyse stratégique). Enfin, le premier ministre nomme le président et le secrétaire général du COR.

Mais au fond, quoi de plus normal ! le COR est effectivement, selon la terminologie administrative, un « organisme directement placé sous l’autorité du premier ministre »! Tout comme le CAE, le COE, le CAS dont les directeurs sont d’ailleurs membres de droit du COR tandis que certains de leurs collaborateurs présents et passés, entraînés dans une fascinante « ronde des nominations croisées », l’ont intégré au titre de leur « compétence, etc… ». On l’aura compris, le COR est un service gouvernemental et sa prétendue indépendance n’est que le faux nez sous lequel le gouvernement a décidé d’ouvrir les hostilités.

Le COR, un organisme partisan ? Sans nul doute ! De façon imagée, chaque membre du COR, hormis ceux mandatés par leurs organisations, possède de nombreuses casquettes. Mais, à y regarder de plus près, tous ces « couvre-chefs » proviennent d’une garde-robe si limitée qu’ils peuvent, par une heureuse coïncidence anatomique, les changer et les échanger sans encombre. Plus lapidairement, le recrutement du COR s’effectue dans un écosystème étroit.

Du coté des 6 hauts fonctionnaires membres du COR, l’appartenance à la promotion Victor Schoelcher de l’ENA (1994-96) est un précieux onguent que bonifie la collaboration aux cabinet Sarkozy ou Fillon dans les années 2000 et que l’appartenance à l’UMP rend carrément irrésistible (Martinot, Chriqui, Josse, par exemple).

Du coté des 6 personnalités « choisies pour leurs compétences, etc… », l’appartenance au « cercle des économistes » (Charpin, Cœuré), associée à des dispositions et positions très sélectives (participation aux CAS, au CAE) révèle toutes ses potentialités. Mais, nul mieux que le président incarne la série des engagements de long terme les plus profitables. Juste pour le plaisir…Raphaël Hadas-Lebel, a débuté au cabinet de Messmer, puis il fut président de ELF à la belle époque, responsable de la commission juridique du CNPF aux beaux jours de Y. Gattaz, directeur de France 2, vice-présidence de ASPEN-France (pittoresque lobby libéral  longtemps présidé par Michel Pébereau…oui, celui qui employa Charpin à la BNP. Le monde est petit pour les grands, certes, mais tout de même !

Dès lors, on imagine bien toute la camaraderie révolutionnaire (au sens de « révolution libérale », bien sûr) qui soude ce noyau dur du COR, irradie ses travaux et, comme par surcroît, épargne à chacun d’entre eux de choir dans une réputation de statisticien approximatif ou peu scrupuleux, d’économiste d’occasion, de commis d’affaire ou de commis d’office.

Le COR est-il vraiment libre de ses missions? Non ! puisque le décret de 2004 lui confie pour mission principale de définir la durée de cotisation compatible avec le maintien du « rapport entre la durée d'assurance (…) et la durée moyenne de retraites », sacro-saint principe figurant dans l’article 5 de la loi de 2003. Comme deux précautions valent mieux qu’une, la loi dissipe ainsi l’éventualité où, pris d’une liberté intellectuelle pourtant si étrangère à leur principe de sélection, les membres du COR en viendrait à envisager les effets bénéfiques d’une hausse des cotisations, d’une taxation des profits distribués, ou à concevoir tout autre horreur de cette espèce…fourbe

L’expertise du COR est-elle souveraine? Non ! puisque, décidément peu confiant dans « ses gens », le gouvernement Raffarin a coiffé le COR d’une commission de garantie des retraites composée de 4 personnalités plus sûres délibérant sous la houlette du président du COR. Cette discrète commission, dans laquelle certains législateurs de 2003 voyaient très justement un doublon, est chargée, grâce à une mystérieuse faculté de déplacement luminique, de figer le temps en 2003! Concrètement, de maintenir « le rapport constaté en 2003 » entre l’espérance de vie à l’âge de 60 ans et le nombre d’années de cotisation exigées, soit un rapport de « deux tiers-un tiers entre temps de travail et temps de retraite » est il précisé dans le texte. Jusqu’à présent, la commission, décidément très véloce, s’est acquitté avec zèle de cette mission de négation de la réalité en recommandant, pour faire bonne mesure, un allongement de la durée de cotisation 2 à 3 fois plus rapide que celui de l’espérance de vie à 60 ans.

Voyons plus loin

A ce stade, on peut s’interroger sur l’utilité d’entretenir des organismes chargés d’effectuer un ajustement devenu si rudimentaire que la calculette d’un téléphone portable pourrait y suffire. Mais, comme nous le savons tous, un ratio peut en cacher un autre, et derrière le maintien du rapport cotisants/retraités, se cache la préservation d’un partage de la richesse favorable à la rentabilité financière (aux dividendes). En vérité, conçu explicitement pour déjouer des conflits sociaux comme ceux de 1995, le COR, comme bien d’autres « organismes indépendants », remplit une inestimable fonction politique. Réduire l’espace du pensable, et marginaliser les alternatives aux projets gouvernementaux et patronaux qu’il sort péniblement des eaux glacées de la cupidité par un faux-semblant d’expertise et de légitimité démocratique. Une contre-expertise scientifique, démocratique, et ouverte sur l’ensemble des solutions envisageables, est plus que jamais nécessaire pour établir honnêtement les terme d’un vrai débat public

Hervé Fayat ( fondation copernic)